Les centres de garde d’enfants comptent sur la responsabilité professionelle
La fraude a un effet de boule de neige. Au début, ce ne sont que de petites choses : la superviseure d’un centre de garde d’enfants décide d’empocher l’argent comptant qu’un parent lui donne pour inscrire son enfant. Quelques mois plus tard, elle recueille de l’argent auprès des familles pour les activités d’un programme d’enrichissement et garde l’argent pour elle plutôt que de le déposer dans les comptes bancaires du centre et de déclarer ces sommes comme des revenus.
Si personne ne surveille ce qu’elle fait, la superviseure devient plus sûre d’elle. Elle acquiert une bonne réputation dans la communauté et les membres duconseil d’administration lui font confiance. Elle décide alors d’augmenter son salaire sans l’autorisation du conseil d’administration. Personne ne soupçonne qu’il y a quelque chose de louche, jusqu’au jour où un renseignement révèle qu’il y a des anomalies dans les états financiers du centre.
Cette accumulation de comportements contraires aux devoirs de la profession peut sembler incroyable, mais au cours des 12 derniers mois, le comité de discipline de l’Ordre a entendu trois affaires de ce genre, qui ont toutes donné lieu à la suspension ou à la révocation du certificat d’inscription d’un membre de l’Ordre.
Selon Phil Cowperthwaite, FCPA, dont le cabinet audite chaque année 130 centres de garde d’enfants sans but lucratif, la fraude porte parfois sur de gros montants d’argent, totalisant même dans certains cas des dizaines de milliers de dollars. « La plupart du temps, un membre de la direction ou du conseil d’administration qui contrôle les finances est impliqué et, quand ça arrive, ça donne tout un choc », dit-il.
M. Cowperthwaite souligne toutefois que les cas comme ceux-ci sont plutôt rares, ajoutant qu’au cours de ses 25 années de travail dans le domaine, il n’a eu qu’une douzaine de clients, parmi les centres de garde d’enfants, qui se sont adonnés à des activités illégales. « Il y a probablement plus de fraude en réalité, mais les montants en cause sont plutôt petits. Les audits ne sont pas conçus pour examiner spécifiquement la fraude, mais quand nous attrapons quelque chose, c’est habituellement un gros montant d’argent qui est en cause. »
Qui est responsable?
Même lorsque des incidents de fraude portent sur de gros montants d’argent, les fraudeurs ne sont pas toujours dénoncés aux autorités compétentes. Très souvent, les centres de garde d’enfants veulent récupérer une partie des fonds volés et, pour cette raison, ils cherchent à parvenir à un règlement avec l’employé.
Cependant, dans le secteur de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants, il n’y a pas seulement la faute au regard
de la loi : il y a aussi la faute professionnelle. Depuis la mise en œuvre de la Loi de 2007 sur les éducatrices et les éducateurs de la petite enfance, lorsqu’un EPEI contrevient aux normes déontologiques et professionnelles, ses actes peuvent être rapportés à l’Ordre et doivent faire l’objet d’une enquête.
Lorsqu’un cas d’allégations de fraude est renvoyé au comité de discipline, un sous-comité formé de membres du comité de discipline détermine si l’EPEI a omis de se conformer au code de déontologie et aux normes d’exercice et dans quelle mesure, et précise les articles du Règlement de l’Ontario 223/08 sur la faute professionnelle qui ont été enfreints.
Les audiences précédentes de l’Ordre révèlent que la fraude et le vol se sont déroulés sur plusieurs années avant d’avoir
été remarqués. Dans certains cas, les membres de l’Ordre ont avoué avoir commis, dans une certaine mesure, une faute professionnelle, mais ont aussi essayé de justifier leur comportement.
« Tout le monde a des raisons, dit M. Cowperthwaite. La fraude a souvent lieu en présence de trois facteurs : la motivation, la possibilité et la justification. Lorsque ces facteurs s’alignent, les chances de fraude sont beaucoup plus fortes. »
Le conseil d’administration a la responsabilité de voir à ce que les mécanismes de contrôle voulus soient mis en place pour réduire les possibilités de fraude. Il a également une responsabilité fiduciaire à l’égard des parents et des enfants parce que ce sont eux qui, au bout du compte, subissent les conséquences d’une réduction des services et d’une réduction des fonds consacrés au salaire des employés.
Selon M. Cowperthwaite, la plupart des centres de garde d’enfants ont une assurance contre la fraude qui couvre une partie de ses pertes financières, mais ce n’est pas toujours le cas. Lorsqu’un centre n’a pas d’assurance et que le montant de la fraude dépasse ses ressources financières, il est obligé d’augmenter les frais de garde d’enfants pour compenser la perte due à la fraude.
Mécanismes de contrôle
Pour réduire au maximum le risque de fraude, le conseil d’administration peut adopter un système permettant de relever les risques et de mettre en place les contrôles internes nécessaires.
Bien que les conseils d’administration des centres d’enfants soient habituellement formés de parents et de bénévoles qui ne connaissent pas nécessairement très bien les questions financières, ils peuvent quand même apprendre la gestion financière en lisant, en poursuivant leur perfectionnement professionnel et en consultant des auditeurs.
Les conseils d’administration peuvent également mettre en place certains protocoles qui réduisent les possibilités de fraude : ils peuvent, par exemple, demander à la direction des centres de garde d’enfants de leur fournir des états financiers mensuels pour vérifier si les dépenses ont été comptabilisées. Selon M. Cowperthwaite, tout système permettant de contrôler les changements survenus dans les salaires autorisés et de comparer régulièrement les dépenses prévues aux dépenses réelles contribue
énormément à réduire la fraude. Si les centres prennent de telles mesures, ils peuvent réduire le risque de fraude ou
le risque que la fraude se poursuive sans être remarquée. Dans tous les cas, la prévention est toujours essentielle.
L’Ordre prend les allégations de faute professionnelle au sérieux et exige que ses membres se conforment au code de déontologie et aux normes d’exercice de la profession.